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La Syrie dans le mur

libération lundi 27 février 2012 par Marie Lechner
Paru dans Libération du 25 février 2012
Ghalia Elsrakbi, originaire de Damas, a observé le soulèvement syrien à travers ce « trou dans le mur » qu’est Internet. Membre du collectif d’artistes Foundland, installée à Amsterdam, elle a vu son compte Facebook transformé en champ de bataille d’opinions politiques et en véhicule de propagande pour et contre le régime d’Al-Assad. Autorisés depuis peu, les réseaux sociaux sont à la fois des outils de surveillance des civils, mais aussi un moyen d’expression décisif pour les opposants. Même si à peine 20% des Syriens y ont accès, nul n’ignore que c’est via le Net que les médias étrangers, interdits, s’informent.

Foundland a d’abord scruté l’image du profil Facebook, baromètre en temps réel des émotions des usagers. « Quand ils perdaient tout espoir suite à un discours présidentiel, de nombreux profils devenaient noirs, explique l’artiste. Le drapeau aussi était utilisé, un bandeau rouge élargi indiquait de récentes violences. Mais c’est aussi un moyen d’afficher ses sympathies : sont réapparus dans les profils les portraits de leaders syriens du passé qui ont lutté contre l’occupation coloniale française. »

Si, au début, les opposants étaient les plus actifs sur le réseau, la guerre des images s’est déchaînée lorsque l’Armée électronique syrienne s’est déployée. « C’est un groupe de gens liés au gouvernement dont le travail est de hacker, espionner et véhiculer la propagande online, affirme Ghalia Elsrakbi. Ils défendent la fierté du pays contre la “conspiration extérieure”. » Outre leurs attaques contre des sites occidentaux, ils spamment les réseaux sociaux, notamment via de faux profils Facebook.

Depuis un peu plus d’un an, Foundland collectionne les photomontages à la gloire du leader syrien, décortiqués dans une publication et revisités sous forme d’installation à la fondation d’art Kadist, à Paris, dans le cadre de l’exposition Enacting Populism (jusqu’au 22 avril). Ils y décomposent ces visuels pro-régime et traquent leurs sources en utilisant le moteur d’images de Google. Débarrassées de leurs slogans et du portrait d’Al-Assad, c’est un diaporama de fonds d’écran interchangeables et insignifiants, potentiellement exploitables pour n’importe quelle campagne, qui défile. « Le langage de la propagande est universel, on peut faire dire ce qu’on veut à n’importe quelle image », constate l’artiste.

Cieux rayonnants, coucher de soleil sur la mer, paysages de jeux vidéo, extraits de film hollywoodiens, aigles et lions en pagaille, ceux de Narnia ou du Roi Lion. « Assad signifie lion en syrien », décrypte l’artiste. Le blockbuster de Disney, énorme succès dans la région, sert à véhiculer l’image d’un roi sage et protecteur. « La croisade anti-occidentale est paradoxalement construite avec des visuels empruntés à cette même culture honnie. »

Ainsi cette photographie en contre-jour de soldats des Etats-Unis en Irak, piquée sur un site militaire américain, avec un Bachar al-Assad en surimpression ornée du slogan « Que Dieu protège notre armée syrienne ». « C’est la culture internet, ils tapent “armée” dans un moteur de recherche et utilisent la première image (souvent américaine) qu’ils trouvent ou qui leur plaît, peu importe sa provenance, ou sa signification », analyse Ghalia Elsrakbi.

Ce qui crée des collisions assez surprenantes. Le faucon des armoiries de la Syrie se mue un aigle pêcheur américain, le visage auréolé d’Al-Assad remplace celui de Jésus dans un combat avec le diable (occidental). « Il n’est pas représenté comme un homme du peuple, comme aimait à poser son père, mais comme un mythe, un Dieu », analyse l’artiste.

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