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Ces extensions qui repeignent la toile

http://www.ecrans.fr/Extensions-du-domaine-de-la-lutte,8701.html

par Marie Lechner

tags : navigateurs , censure , Art , sélection

L’extension China Channel permet d’expérimenter la cybercensure en vigueur dans ce pays. DR

Fatigué des commentaires haineux apposés sous votre vidéo qui ruinent votre journée ? Pour que YouTube devienne définitivement un havre de paix et de joie, il suffit de télécharger l’extension HappyTube sur son navigateur Firefox qui se chargera de remplacer les insultes par des compliments et des mots doux. Le site Artzilla.org propose une collection insolite d’extensions (add-on), petits programmes à télécharger gratuitement censés apporter de nouvelles fonctionnalités.

« Nous collectons des modules créatifs refusés par les sites spécialisés au motif qu’ils sont “inutiles” », explique Tobias Leingruber, l’un des initiateurs qui s’est lui même heurté à ce genre d’argument avec son extension Time Machine. L’artiste berlinois a mis au point un module à remonter le temps transformant radicalement l’ennuyeux design (mais pas le contenu) des pages web visitées  : couleur flashy, typos baroques, gif animés et étoiles clignotantes, retour dans le Web amateur façon 1996  !

« Les navigateurs visualisent le code d’un site. En les modifiant avec des extensions, vous pouvez manipuler leur comportement et accéder à l’information en ligne d’une manière non prévue par les créateurs de contenus. Ils vous donnent le pouvoir de redesigner “votre Web” ». En cela ils prolongent les expérimentations des pionniers du net.art tels JODI, Mark Napier, Olia Lialina ou Dragan Espenschied. « Pour les artistes codeurs, les extensions sont une incroyable opportunité de remixer le Web, de pointer des problèmes dans notre société en ligne ou simplement de créer quelque chose de rigolo. » Rigolo comme l’add on Hammertime : lorsqu’on interrompt le chargement d’une page, retentit le mythique « Stop  ! Hammertime » de MC Hammer ou encore l’incontrôlable Tourettes Machine qui ajoute des injures aléatoires entre les mots lorsque l’on tape requêtes et formulaires.

Parmi les extensions les plus installées, figurent celles qui bloquent l’affichage des publicités. Cette pratique a inspiré Add-art qui remplace les espaces publicitaires par des œuvres d’artistes contemporains, proposant une nouvelle expo toutes les deux semaines. Plusieurs modules d’Artzilla révèlent également l’envers du Web. China Channel permet de surfer sur Internet comme si l’on était en Chine proposant d’expérimenter la cybercensure à laquelle se heurtent les Chinois. Les mots clés « Xinjiang » ou « tiananmen » renvoient systématiquement un message d’erreur.

Deux étudiants en art de Rotterdam ont retiré leur extension Pirates of the Amazon, menacés de poursuites par le géant de la librairie en ligne. Lorsqu’on activait cette application, chaque fois qu’un CD, un DVD ou un livre vendu sur le site d’Amazon était référencé sur le site The Pirate Bay, un bouton « Download 4 Free » clignotait. En cliquant, l’internaute démarre dans l’arrière plan une recherche sur Pirate Bay et le téléchargement-gratuit- du fichier correspondant.

Tobias Leingruber fait un parallèle entre les artistes du Net et les skateurs dans leur manière de se réapproprier l’espace public. « Les skateurs voient le monde différemment des gens ordinaires. Ils sont en mission, et ils ont du style. Ils voient des endroits hallucinants là où d’autres ne voient que du béton. Quand vous skatez les rues, vous utilisez l’architecture publique d’une manière non prévue et non souhaitée par les concepteurs. Vous risquez de vous embrouiller avec les agents de sécurité, mais ça ne vous arrêtera pas. Il vous reste à appliquer cette idée à votre comportement online et, au lieu de surfer, de skater le Web ! »

Paru dans Libération du 12 septembre 2009

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